Découvrir les marques formelles de l'énonciation
Le F.A. n 128 janvier 1999 article de R. Tomassone
[Indispensable pour une bonne compréhension des textes à lire et/ou à écrire]
Tout acte implique un acteur: celui qui énonce, le locuteur (ou l'émetteur, selon une terminologie moins spécifique). En général, l'énonciation est une allocution et postule un allocutaire (un destinataire). La structure fondamentale de l'énonciation est le dialogue. Les interlocuteurs s'opposent à ceux qui, quoique éventuellement présents, ne participent pas à l'échange.
La présence du locuteur et de l'allocataire se manifeste dans l'énoncé à travers les indices de personne: les pronoms personnels de « première personne », je, et de « deuxième personne ), tu, identifient respectivement le locuteur (celui qui dit « je ») et l'allocutaire (celui à qui je dit « tu »). Les référents respectifs de je et de tu ne peuvent donc être connus que si l'on connait la situation d'énonciation (je et tu sont des embrayeurs ou des déictiques). L'usage de ces pronoms, I'emploi du « singulier » ou du « pluriel » peut en outre donner des informations sur le statut social des interlocuteurs et les relations qu'ils entretiennent.
Les « personnes » de l'énonciation désignent des êtres doués de la parole - « personnifier », c'est donner le statut de locuteur ou d'allocutaire potentiel -, qui tiennent un discours sur le monde, représenté linguistiquement par toutes les unités qui ont le statut de groupes nominaux, en particulier ce que les grammaires appellent à tort le « pronom personnel de troisième personne », et qui peut référer à des objets, à des abstraits, à des êtres humains qui ne sont pas dans la situation de communication. Il (elle) fonctionne le plus souvent en s'appuyant sur des éléments du texte, reprenant anaphoriquement un élément présent dans le contexte.
Outre les pronoms personnels, certaines formes linguistiques construisent leur référence de leur rapport aux protagonistes de l'énonciation et aux circonstances dans laquelle elle a lieu. Déterminants ou pronoms, les démonstratifs peuvent désigner des objets perceptibles par les interlocuteurs, qui n'ont de référence que pour eux ou pour les spectateurs de l'échange: « Ruy Blas, fermez la porter ouvrez cette fenêtre... » Des adverbes, des adjectifs réfèrent au moment et au lieu de l'énonciation: il n'y a pas en soi d'ici ni d'ailleurs; aujourd'hui n'est aujourd'hui que pour qui en parle en le vivant et pour ceux qui partagent le même moment.
Les formes temporelles de l'indicatif du verbe se déterminent aussi par rapport au locuteur. Ira forme fondamentale est le présent, moment de l'énonciation; les temps du passé renvoient à une époque antérieure à l'énonciation, les temps du futur, à une époque postérieure.
Le locuteur qui organise son énoncé en assertion, interrogations injonction fixe 1e rôle de l’autre: l’assertion apporte une information, I'interrogation a pour objet de susciter une réponse, ordonner, c'est être en position de déclencher un comportement.
Des types d'énonciation
Prendre en compte l'énonciation, c'est observer ces phénomènes dans les énoncés, les classer et en dégager l'interprétation; c'est tenir compte de la dimension discursive dans la construction de la signification.
On peut d'abord distinguer des situations différentes qui entraînent des variations spécifiques dans les marques de l'énonciation:
• Le dialogue, situation d’interlocution où Ies locuteurs sont en presence, en un même lieu et en situation d'échange réciproque, chacun étant tour à tour locuteur et allocutaire; le temps d'émission du message coïncide avec celui de sa réception. Il existe des variantes à cette situation « idéale »: les communications à distance (téléphone, radio, courrier électronique) dans lesquelles les interlocuteurs ne sont pas dans un même lieu; les cas de non-réponse de l'allocutaire C'est l'énonciation directe.
• Les situations d'énonciation différée, dans lesquelles ni le temps ni le lieu de l'énonciation ne sont communs au locuteur et à l'allocataire; pour une lettre, par exemple, le lieu et le moment où elle a été écrite ne sont ni le lieu ni le moment où elle est lue. Les textes écrits quels qu'ils soient présentent tous des cas d'énonciation différée.
• I,e locuteur est souvent amené à reproduire dans son énonciation des paroles prononcées par d'autres, ou par lui-même, à d'autres moments: ce sont des énonciations rapportées.
• La présence ou l'absence d'un sujet d'énonciation dans l'énoncé, conjugué avec la répartition des emplois du passé composé et du passé simple sous-tend la distinction de E. Benveniste entre discours et histoire.
Il apparait, d'après ce qui précède, que prendre en compte l'énonciation, ce n'est pas ajouter une strate de plus à l'étude de la grammaire, ce n'est même pas - à l'école primaire - « étudier » I'énonciation. C'est structurer autrement des savoirs grammaticaux, faire éclater parfois des catégories traditionnelles (celle des pronoms en offre un bon exemple), fusionner dans une même approche des catégories diverses (indicateurs de temps et de lieu, par exemple). C'est éviter le pointillisme et le morcellement de l'étude de faits grammaticaux isolés, indépendants, hors texte et hors contexte, en conduisant une approche organisée, progressive et cohérente des marques dc l'énonciation à travers les énoncés dans lesquels elles se réalisent- marques qui diffèrent sclon les types d'énonciation
communiquer/énoncer 0-1
On peut prendre connaissance des représentations des élèves par une série de questions:
1 Que savez-vous sur la communication ?
2) Qu’est-ce qui permet de communiquer ?
3) Qu’est-ce qu’une situation de communication ?
4) Quels mots associez-vous à communication ?
5) Qu’est-ce qu’un énoncé ?
6) Qu’est-ce qu’une situation d’énonciation ?
Ensuite, on peut fournir aux élèves un bilan de leurs réponses (sur papier ou inscrites au tableau) pour une discussion sur ce qu’ils en pensent.
Exemple des réponses apportées dans une classe :
La communication est très importante: Si des chefs d'état ne se parlent pas, il y a plus de risques de guerres
C'est la possibilité de mettre en commun des idées
C'est le lien entre tous les hommes
C'est parler avec quelqu'un de connu ou d'inconnu
C'est des gens qui se comprennent par le langage, les signes ou l'écrit
émetteur, récepteur
s'envoyer des messages
Ce qui permet de communiquer :
Il y a le téléphone, le fax, l'ordinateur, l'écriture, la parole , la télévision, le minitel, le geste, le visage, la voix, les signaux, le regard, le dessin, le théâtre
Une situation de communication, c'est:
une personne qui parle ou qui écrit à une autre
des gens qui parlent ensemble
un moment où on s'exprime
un dialogue
quand on regarde la télévision
Un énoncé, c'est:
un petit texte qui décrit quelque chose
quand on explique, on raconte quelque chose
un petit texte pour faire un exercice
ce qu'on écrit
quelqu'un qui t'écrit quelque chose que tu dois faire
une ou plusieurs phrases qui donnent un ordre
Une situation d'énonciation, c'est:
un moment où on fait un énoncé
quelqu'un qui tient un énoncé à une autre personne
lorsqu'une personne lit à l'oral un texte à résoudre
corriger un énoncé
Mots liés à la communication:
parler chanter
exprimer mîme
comprendre ressentir
savoir
échanger des idées
les messages
correspondre
La fiche 0 vérifie (ensuite) la présence des prérequis communs nécessaires sur la communication.
La fiche 1 reprend un exemple de texte facile: la lettre, pour comprendre les liens possibles entre un texte (énoncé) et la situation dans laquelle il a été produit (situation d'énonciation).
énoncé/énonciation
Cette fiche propose de différencier, à travers un relevé d'indices, des textes liés ou non à la situation d'énonciation (ou si on souhaite éviter ce terme: "de production", "d'écriture")
énonciation, emploi des temps
La partie "historique" est au passé simple, "l'actualité" est liée au présent.
Comme plusieurs solutions sont possibles, o n peut susciter une discussion en posant la question suivante:
3) Compare tes choix de temps avec ceux du journaliste
"En 1850, I'État français décida d'éloigner les mineurs des prisons et de confier à des privés, contre une indemnité journalière, la rééducation de ceux qui étaient acquittés ou condamnés à de petites peines. Trois ans après, le domaine de Montlobre commence à accueillir les «petits bagnards », de 9 à 17 ans. Jusqu'à 250 simultanément. Ce sont essentiellement des orphelins venant de Notre-Dame-des Champs. Vendus par son directeur, le père Soulas, au propriétaire de Montlobre. Les enfants sont employés à défricher le domaine. Ils transforment une terre inculte en fortune agricole.
Le travail est dur, la mortalité très importante. A Montlobre, on meurt de dysenterie, typhoïde, Choléra ou pleurésie. De froid également. En 1880, 14 des 20 décès enregistrés par l'état civil de Vailhauquès sont des jeunes détenus. Montlobre ferme en 1884.
Aujourd'hui, le domaine viticole appartient à un Hollandais. Un vaste programme de rénovation a été engagé en conservant les cellules pour témoigner du terrible sort de ces milliers d’enfants
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